lundi 17 octobre 2011

Le Club des incorrigibles optimistes de Jean-Michel Guenassia












Éditeur : Le livre de Poche
Parution : 24/08/2011
Nombre de pages : 730
Genre : Littérature française

L'auteur :















Jean-Michel Guenassia est né en 1950 à Alger. Après avoir été avocat, scénariste et auteur dramatique, il se consacre en 2002 à l'écriture du roman "Le Club des incorrigibles optimistes" qui lui demandera six ans de travail. Ce roman a reçu le prix Goncourt des lycéens en novembre 2009.


Quatrième de couverture :
 
 
Michel Marini avait douze ans en 1959, à l'époque du rock'n'roll et de la guerre d'Algérie. Il était photographe amateur, lecteur compulsif et joueur de baby-foot au Balto de Denfert-Rochereau. Dans l'arrière-salle du bistrot, il a rencontré Igor, Léonid, Sacha, Imré et les autres, qui avaient traversé le Rideau de Fer pour sauver leur peau, abandonnant leurs amours, leur famille, trahissant leurs idéaux et tout ce qu'ils étaient. Ils s'étaient retrouvés à Paris dans ce club d'échecs d'arrière-salle que fréquentaient aussi Kessel et Sartre. Et ils étaient liés par un terrible secret que Michel finirait par découvrir. Cette rencontre bouleversa définitivement la vie du jeune garçon. Parce qu'ils étaient tous d'incorrigibles optimistes.


Mon avis :
 
 
"Le Club des incorrigibles optimistes" est un volumineux roman (plus de 700 pages), qui cependant, se laisse dévorer rapidement une fois les premières lignes entamées. D'une plume habile et généreuse, l'auteur nous raconte une époque révolue, avant internet et les téléphones portables, un temps ou la DS n'était pas une console de jeux mais une voiture de prestige ! Ce livre nous plonge au coeur des années soixante, entre euphorie, désillusion et nostalgie.

L'histoire s'ouvre sur l'enterrement de Sartre en avril 1980, le narrateur Michel Marini y croise ce jour-là Pavel, connu à l'époque ou il n'était encore qu'un adolescent. Le hasard de cette rencontre va faire remonter en lui tout un flot de souvenirs.
Nous sommes au début des années soixante, Michel est élève au lycée Henri-IV, on ne parle que de guerre froide, décolonisation, guerre d'Algérie et aussi de Rock'n'roll. Michel et ses amis découvrent Elvis, Buddy Holly et Little Richard, mais aussi Sartre et Camus, et se retrouvent  à la cinémathèque, sous les platanes de la fontaine Médicis ou dans les cafés pour jouer au baby-foot et débattre sur la vie. Leur lieu de prédilection devient le Balto, un vrai bistrot d'Auvergnats, tenu par les Marcusot, de fins cuisiniers dont la truffade est "aussi fameuse qu'énorme" et l'entrecôte de Salers réputée. Intrigué par le va et vient dans un local situé dans l'arrière-salle, Michel va découvrir "Le Club des incorrigibles optimistes", lieu de vie et d'oubli, fréquenté par des passionnés d'échecs. Le point commun de tous ces hommes ? La plupart d'entre eux sont des réfugiés politiques qui ont dû renoncer à leurs identités, leurs familles, leur métiers et leurs illusions. Médecin, pilote d'avion ou acteur de cinéma tombé dans dans l'oubli, ils vont se retrouver dans la précarité ou la clandestinité et se soutenir mutuellement pour ne pas sombrer. Le jeune Michel va devenir leur ami et confident, ils vont se raconter mais aussi l'aider à surmonter les épreuves de la vie et à devenir adulte. On suit en parallèle, par chapitres entrecroisés, la vie de Michel, ses désillusions familiales et ses peines de coeur et l'histoire sombre de ces hommes essayant de survivre à leurs souvenirs et aller de l'avant malgré un lourd passé.

"Imré pleurait et il n'y avait rien à faire. À vrai dire, il ne pleurait pas mais des larmes coulaient quand il parlait de Budapest.
- Ça ne sert plus à rien de te mettre dans cet état, disait Tibor en le prenant par l'épaule pour le réconforter.
J'essayais aussi de lui remonter le moral. Imré avait le regard écarquillé des gens qui font des cauchemars les yeux ouverts. Il revoyait le cinéma Corvin assiégé où les étudiants fabriquaient des cocktails Molotov à la chaîne, les mitrailleuses tirant sur les civils réfugiés sous les arcades, les piles de corps enchevêtrés."

Sombre et lumineux tout à la fois, ce roman aborde sans détours les tourments de l'adolescence, mais aussi les illusions à jamais perdues et le pardon. Sacha, Leonid et Tibor loin d'être des héros, ne sont que des êtres humains avec leurs failles, leurs trahisons, leurs côtés sombres, ce qui ne les rend que plus attachants. J'ai apprécié "Le Club des incorrigibles optimistes" parce que c'est pour moi  un roman qui sonne juste, les personnages sont vraiment crédibles et le roman richement documenté en anecdotes nous permet de mieux appréhender une page de l'histoire à jamais tournée  !

Un extrai:

"Petit à petit, on a réalisé ce qui se passait. On ne pouvait rien dire. On avait peur. Ceux qui s'étonnaient disparaissaient aussitôt. Quand ils arrêtaient quelqu'un, c'était le nettoyage par le vide. Ils remplissaient des sacs et des caisses : des livres, des lettres, des papiers et ça alimentait les chaudières. Ils brûlaient tout. Ils ont arrêté des peintres, ils ont brûlé leurs tableaux et leurs dessins. Les manuscrits des écrivains ont disparu, les brouillons, les notes, les carnets. Quand ils ont arrêté Mandestam et l'ont envoyé en Sibérie où il est mort tout de suite, je me suis demandé : que peut-on reprocher à un poète ? En quoi peut-il être nuisible ? Pourquoi avoir détruit ses poèmes ? Il n'en reste plus rien. Ils étaient merveilleux. Que serait notre monde sans les peintres et les poètes ? Ils ont fusillé des centaines d'artistes, d'écrivains, d'auteurs de théâtre et de poètes. Ils n'étaient pas des contre-révolutionnaires. Leur seul crime était d'être juifs ou catholique ou polonais ou ukrainiens ou baltes ou paysans. Je ne savais pas comment résister. Comment lutter contre le feu qui détruit les poèmes ? Je n'ai trouvé qu'une solution : les apprendre par coeur. Je les imprimais dans ma tête. Là, on ne pouvait pas les trouver, pas les enlever, pas les effacer. Quand les sacs de saisie arrivaient, je volais quelques carnets des flammes. Je les fixais dans ma mémoire. Je me les répétais chaque nuit. J'ai su depuis que d'autres avaient fait de même. Des femmes ont sauvé l'oeuvre de leur mari disparu en mémorisant ses poèmes. Tant qu'on était vivant, on avait un espoir de les sauver."

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